All About Us II : Show me Love

Il était une fois,
Des mots déjà écrits.

Une histoire déjà énoncée,
Un présent déjà conté,
Et un passé évoqué.

Mais un passé ne se décrit pas en quelques lignes,
Et pourtant, il explique tant de choses.


Ils vous ont fait pleurer, rire, frissonner ;
Ils ne sont pas morts, pas encore,
Car il y a eu un "avant",
Comme il y aura, peut-être, un "après".

Qu'ils se nomment Strify, Shin, Kiro, Yu, Romeo ou Luminor,
Ils avaient encore des choses à dire.


Une seule phrase leur brûlait les lèvres :
<< Montre-moi l'amour. >>

Voici leur passé,
Pour le meilleur,
Et surtout pour le pire.

_ _ La porte se referme lentement derrière nous. Cet espace blanc et terriblement froid m'oppresse. Peut-on vivre tant d'années enfermé dans une telle blancheur ? Les murs criards semblent vouloir se rapprocher et étouffer ceux qu'ils enferment. N'importe qui pourrait être interné ici. N'importe qui y demeurant plus de quelques heures.
_ _ Elle est là, assise dans son lit. Ses fins cheveux châtains glissent sur ses épaules fragiles, comme s'ils avaient peur de les blesser. Dans son visage anguleux, ses yeux ternes reflètent ce gouffre vide qui doit peupler les patients de ces pièces tristes. Des abysses profondes, si profondes … Sans fond. Ce ne sont pas ces yeux que je suis venu chercher.
_ _ Elle pose son regard sur moi. Les mains croisées sur ses genoux, elle attend ; comme elle a toujours attendu. Tout en elle inspire la naïveté la plus totale, la vulnérabilité, la dépendance. Un vague sourire orne ses lèvres minces. Elle ne tente même pas de m'observer. Ce n'est pas ce sourire que je suis venu chercher.

« Maria, il est ici pour toi, annonce le médecin. »

_ _ Seul le silence lui répond, un silence lumineux, aveuglant ; un silence morbide. Les mots ne l'atteignent pas ; ses oreilles ne les entendent pas, son esprit ne les comprend pas. Elle cligne des paupières ; patiente. Encore. Son souffle est doux, comme s'il craignait de déranger. Comme si on lui avait interdit de respirer. Ce n'est pas cette femme que je suis venu chercher.

« Maria, vous ne reconnaissez pas votre fils ? »

_ _ Enfin, ses yeux gris – tel un ciel d'orage, avait toujours dit ma mère adoptive – se déposent sur moi. Mes épaules s'affaissent, et toute force me quitte. S'est-elle battue pour moi comme je me suis battu pour elle ? Veut-elle vraiment de moi ? Est-ce que toutes les personnes qui m'ont empêché de voir ma mère avaient … raison ?

« Mon fils ? Murmure-t-elle tel un mot écorché, oublié.
- Maman, c'est moi. »

_ _ Je m'approche de son lit, refoulant cette angoisse ardente qui me ronge le ventre. Je m'agenouille à ses côtés, me forçant à caresser sa main – Dieu, sa main ! la main abîmée d'une personne déjà trop âgée -. La mâchoire tremblante, le cœur tremblant, je cherche au plus profond de son âme cette étincelle qui me soufflera « rien n'est inutile ; c'est cette mère que tu désirais. ».

« Andreas ? Articule-t-elle en effleurant ma joue, des larmes ourlant ses cils clairs. »

_ _ Une lame se joue de mes entrailles, de mon cœur, de mon existence. Je ne suis pas Andreas. Et, pourtant, elle est bien ma mère. Et je ne peux renier mes promesses maintenant. C'est cette mère que je suis venu chercher.

Chapitre 3
Partie 1
« Tell me nothing ever comes rationale or breaking down.
Still somebody loses cause theirs no way to turn around. »

_ _ D'abord, il y a l'odeur. Cette odeur blanche, lourde, qui vous prend à la gorge. On ne pense qu'à une chose : sortir, et respirer. On se sent prisonnier de l'odeur, comme une aura qui vous entoure, et se resserre lentement autour de vous. On cherche l'air frais, l'air pur, qui vous ramènera à la vie et à la raison. Elle fait tourner au ralenti, cette odeur.

_ _ « Tu le sais, que c'est ta faute, hein ? »

_ _ Puis, il y a les couleurs. Ces pastels fades, contre ce blanc éclatant. Du blanc partout, aussi omniprésent que l'odeur. Du blanc à perte de vue, comme s'il n'existait que ça. Des nuances de blancs, du blanc passé, et du blanc jauni. Du vieux blanc. Du blanc à rendre fou ; à en oublier les autres nuances. Du blanc à en vomir.

_ _ « Tu le sais, Hannes ? »

_ _ Et ensuite le bruit. Un bruit blanc, lui aussi. L'agitation étouffée de l'extérieur, et le bruit incessant de l'intérieur. On aurait envie que ça s'arrête, oh oui … Et pourtant, s'il s'arrêtait ; tout s'arrêterait. Ce son qui vrille les tympans ; encore une autre raison de devenir fou. Bip. Bip. Sans jamais de halte. Le jour, la nuit. Tout le temps. Tout le temps.

_ _ « Dis-le ! »

_ _ Pour finir, il y a les pensées. Qui tournoient dans ma tête. Elles murmurent à chaque instant. Des remords sans fin. Je n'ai pas pleuré ; pas encore. Mais j'y pense, oui. Dans mon esprit, je pleure, je saigne. J'ai mal. Et ce ne sont pas ses cris et ses lamentations qui y changeront. Je suis devenu une glace que rien ne brise. J'ai mal. J'ai tellement mal.

_ _ « Il vaudrait mieux que tu partes, Hannes. »

_ _ Je ne supporte plus de rester ainsi entre ses murs à attendre qu'un mort se réveille.
_ _ J'aurais espéré qu'elle mentait. Mais elle ne mentait pas. Personne. Alors oui, je suis parti. Et je ne les reverrai jamais. Jamais.
_ _ Je m'appelle Hannes, j'ai seize ans. Je ne vis nul part. Et j'ai presque tué mon père.