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Sujet: Frutimoon - Pardonner Jeu 08 Avr 2010, 19:29
Pardonner
Je flotte doucement. Les douces vaguelettes caressent mon corps. Je suis bien ici. Mes cheveux s'éparpillent autour de moi, formant une auréole dorée. Je me laisse lentement sombrer, de plus en plus profond, toujours plus loin … Je suis si bien, sous l'eau. Emprisonnée dans cette cage naturelle. Tout paraît sourd, et beau. Oui, c'est si beau, ici. De légères bulles s'échappent de mes lèvres et s'élèvent lentement jusqu'à la surface. Mais aucune main ne vient à ma rencontre. Aucun cri ne retentit. Personne ne me cherche plus. Je suis seule, totalement seule. Et ça ne m'apeure pas. Je n'ai plus peur, à présent. Je suis libre. Ma robe au tissu rendu lourd par l'imbibition de liquide pèse sur mes frêles épaules. Des brins d'algues me chatouillent le visage. Les abysses m'aspirent toujours un peu plus. Mais je ne me débats pas. Je n'ai pas peur. Mon petit cœur s'acharnent à battre encore. Mes petits poumons espèrent de l'air. Et ma petite tête ne sait que faire. Oublie, cela suffira. Je touche le fond du cours d'eau. Je suis bien, allongée ici. Mes doigts effleurent la terre sous mon corps. Le Soleil miroite là-haut, tout là-haut, loin au-dessus de moi. Il m'éblouit, il brille si fort … Il est beau, lui aussi. J'ai l'impression de découvrir le monde, ainsi enfouit dans ma prison. Douce tour de verre, ne me laisse jamais partir !
Une main m'agrippe à la hanche et me propulse sur la terre ferme. Non, laissez-moi ainsi, je n'ai rien demandé ! Je ne faisais de mal à personne, dans mon cercueil aquatique. Pourquoi revenir ? J'étais bien, là-bas. Remets-moi à l'eau. De toutes manières, tu ne veux plus de moi, n'est-ce pas ? Alors à quoi bon continuer, toutes les deux ?
Je t'observe sans te voir, à travers mes pupilles fixes à jamais. Est-ce que tu pleures ? Sûrement pas. Tu ne sais pas quoi faire, toi non plus. Tu ne t'attendais pas à ça, n'est-ce pas ? Tu n'y croyais pas, n'est-ce pas ? Maintenant je suis étendue sur l'herbe grasse, à tes pieds, et tu ne sais plus quoi penser. Ton regard s'accroche à mon corps sans âme, mes courbes d'albâtres si fragiles. Tu m'as fait tant de mal, tu sais ? Et tu n'as pas d'excuse, non, aucune. Je te vois partir, sombrer un peu plus chaque jour. Tu n'es plus celle que j'aimais, qui m'aimait. Tu n'es plus celle qui me serrait dans ses bras quand elle avait peur. Où sont disparu tes rêves et tes espoirs, que tu me murmurais avec ferveur dans le creux de l'oreille ? Qu'est devenu cette fille qui croyait en moi, n'aimait que moi, rien que moi ?
Tes doigts caressent tendrement ma joue. Un geste simple, que j'attends depuis déjà si longtemps. Avant, tu l'effectuais chaque jour, avant de devoir me quitter. Et je te souriais. C'était aussi facile que cela. Maintenant, il me faut quémander la moindre attention de ta part. Je ne suis plus qu'une parmi tant d'autres. Tu m'as oubliée, juste oubliée. Et que je pleure n'y change rien. Tu ne me vois plus. Tu ne sais plus qui je suis. Tu m'as abandonnée à mon triste sort, te souciant peu de ce que je pouvais ressentir. Me penses-tu donc incapable d'éprouver des sentiments ? Crois-tu que je suis comme celles que tu idolâtres maintenant, ces belles de papier glacé agrafées sur ton mur ? Mais elles n'existent pas ! Moi, j'existe toujours, je suis là, belle et bien là …
Tu m'observes avec tant d'avidité, que j'ai l'impression de te voir au premier jour. Quand tu ne voyais que moi, rien que moi. Et que nous étions heureuses, toutes les deux. Tu ne pouvais te passer de moi. J'étais ton ombre, une part de toi-même. Jamais on ne pouvait voir l'une de nous, sans voir l'autre. Et à présent. A présent, c'est à peine si tu me reconnais. J'ai mal, tu sais ? Mais peut-être que cela t'importe peu, après tout … J'ai souvent pleuré ta perte. Car on peut l'appeler ainsi. Tu t'es éloigné de moi, subrepticement, petit à petit, et puis … Plus rien. Le silence le plus total. Comme si rien n'avait jamais existé. Mais moi, moi, j'ai besoin de toi. Alors voilà où nous en sommes. Et tu gardes toujours le silence, comme une armure dans laquelle tu te serais enfermée. Tu dois te sentir bien à l'étroit, dans ta coque d'acier. Il n'y a donc plus de place pour moi ? Qu'ai-je fait pour te déplaire ? Qu'ai-je fait de travers ? Mais ça n'est pas moi qui ai changé, tu sais. C'est toi. Tu as perdu ta confiance, ton innocence. Tu as perdu ce qui faisait de toi un être angélique. Je sais bien que tu t'es égarée dans les prémices de cette adolescence qui t'a dévoré le cœur. Mais avant, c'était moi, ton cœur ; l'as-tu oublié, cela aussi ? Pas moi. Je t'aime encore, je t'aimerai toute ma vie. Quoi qu'il m'en coûte. Et ce, même si tu ne connais plus mon nom. Il te brûle les lèvres, mais tu ne le laisseras plus s'échapper, n'est-ce pas ? Tu as peur, si peur de revenir en arrière. Mais c'est ainsi qu'on avance, le sais-tu ? Je suis celle qui t'as façonnée, que cela te plaise ou non. J'ai bercé tes rêves, tes espoirs, tes doutes, tes bonheurs et tes instants de tristesse. Tu me racontais tout, tu te souviens ? Nous nous installions toutes deux sous les couvertures, à l'abri de ces gens mauvais qui nous voulaient tant de mal ; et on riait. Simplement. Tu as oublié, je le sais. Pas moi. Jamais. Tu auras beau me reléguer au fond d'une malle, sous un monceau de toutes ces choses que tu souhaites ardemment oublier, tu ne m'empêcheras pas de vivre, sous mes traits de poupée de plastique à la couleur ternie par le soleil.
« Cynthia … murmures-tu. »
Une larme de plastique roule ses mes pauvres joues de plastique, et mon petit cœur de plastique se serre dans ma poitrine de plastique. Tu te souviens. Il n'en fallait pas plus, pas plus. Tu peux m'oublier en paix, ma douce. Je te pardonne.
Cricri d e u x _ c a r a t s
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Sujet: Re: Frutimoon - Pardonner Sam 10 Avr 2010, 12:27
Ouah.... C'est superbement émouvent. Le début est doux et pourtant si violent... La suite est belle et cruelle... La fin est inattendue et surprenante...
J'aime beaucoup l'idée qu'en fait, ce n'est qu'une poupée, la narratrice... Etrangement, ça n'enlève rien au texte, il ne perd pas toute son côté... touchant parce que spontané et "humain"... Je m'expliquer mal -->
Alwenah a v e n t u r i n e
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Sujet: Re: Frutimoon - Pardonner Sam 10 Avr 2010, 12:30
J'aime beaucoup, surtout le dernier paragraphe. C'est doux et innocent
Frutimoon M E M B R E d' O R
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Sujet: Re: Frutimoon - Pardonner Sam 10 Avr 2010, 12:34
Merci beaucoup x)
Aloyse a d m i n '
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Sujet: Re: Frutimoon - Pardonner Dim 11 Avr 2010, 14:31
J'adore la fin C'est un texte tout triste... T_T
Frutimoon M E M B R E d' O R
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Sujet: Re: Frutimoon - Pardonner Dim 11 Avr 2010, 14:33
C'est qu'une poupée, pleure pas XD
Turn-off n a r c i s s e
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